18 | 21 JUILLET 2024 Résultats étude 2018

A l’occasion de l’Ut4M 2018, un premier projet de recherche a été conduit par l’équipe du Laboratoire HP2 et l’Unité Sports Pathologies du CHU de Grenoble.

Les premiers résultats du Laboratoire à ciel ouvert Ut4M 2018

A l’occasion de l’Ut4M 2018 et dans le cadre de la Chaire de recherche “Montagne, Altitude, Santé” de la Fondation Université Grenoble Alpes, une équipe de chercheurs et de médecins du laboratoire HP2 (Inserm / UGA) et de l’Unité Sports Pathologies du CHU de Grenoble, dirigée par Samuel Vergès, s'est associée à l'Ut4M en 2018 pour créer un véritable laboratoire à ciel ouvert et étudier la fatigue et la récupération des coureurs.


Une étude inédite

Quelle est l'influence de la distance de course sur la fatigue mesurée à l'arrivée ? Sur la récupération dans les 10 jours après la course ? La course de 160 km est-elle plus éprouvante que celle de 4x40 km ? Récupère-t-on plus vite après avoir couru 160 km d'une traite ou après 4x40 km ?

Pour tenter de répondre à ces questions, 79 coureurs volontaires participant à l'Ut4M 2018 ont été étudiés :

  • 29 sur l’Ut4M 160 Xtrem,
  • 18 sur l'Ut4M 40 Chartreuse,
  • 12 sur l’Ut4M 100 Master,
  • 20 sur l’Ut4M 160 Challenge (4x40 km).

Après une série d’évaluations initiales dans les semaines avant le départ de l’Ut4M en juillet et août 2018, tous les coureurs ont répété une batterie d’évaluations physiologiques immédiatement à l’arrivée de leur course et au cours des 10 jours qui ont suivi. Après plusieurs mois de travail pour traiter et analyser en détails les milliers de données acquises, ces dernières ont permis de caractériser la fatigue musculaire, cardiaque et celle du système nerveux central induite par les différentes courses. Le sommeil des coureurs de l’Ut4M 160 Challenge a également été analysé afin d’étudier son rôle dans les phénomènes de fatigue et récupération.


Les principaux résultats

Les résultats ont mis en valeur l’effet de la distance de course sur la typologie de la fatigue neuromusculaire. Les distances de l’ordre du marathon (Ut4M 40) parcourues à vitesse relativement élevée sollicitent tout particulièrement l’appareil musculaire (à la fois au niveau locomoteur et le muscle cardiaque) où se développe une fatigue importante (fatigue périphérique, avec des phénomènes de dommages musculaires transitoires) et qui nécessite plusieurs jours pour récupérer. Les distances plus longues (>80 km, Ut4M 100 Master et Ut4M 160 Challenge) forcément parcourues à moindre vitesse induisent une fatigue musculaire pas plus importante que les distances courtes mais provoquent un phénomène de fatigue spécifique au niveau du système nerveux central (fatigue centrale, ou défaut d’activation des muscles par le cerveau), récupérant cependant rapidement (<48 h). Au niveau cardiaque, les mesures ont mis en évidence une fatigue du muscle cardiaque (le myocarde) plus importante à l’arrivée des courses les plus courtes (l’Ut4M 40 et dès la première étape de l’Ut4M 160 Challenge) que celles à l’arrivée des courses les plus longues (Ut4M 160 Xtrem et Ut4M 100 Master) qui elles n’induisent que peu de fatigue cardiaque. Cette fatigue du myocarde récupère cependant au bout de quelques jours et n’apparait pas comme délétère pour la santé.

Des résultats marquants concernent également l’Ut4M 160 Challenge qui se distingue des autres courses, en particulier de l’Ut4M 160 Xtrem. L’Ut4M 160 Challenge avec ses 4 étapes de 40 km induit une fatigue musculaire mettant plus de temps à récupérer que l’Ut4M 160 Xtrem, les coureurs du 160 retrouvant leur force des mollets et cuisses quasiment normale après 2-3 jours de récupération alors que les coureurs du Challenge montrent des preuves de fatigue musculaire encore 10 jours après l’arrivée. Au niveau du muscle cardiaque, on observe une fatigue du myocarde dès la première étape de l’Ut4M 160 Challenge qui s’intensifie et évolue au fil des étapes. L’étude de la variabilité de la fréquence cardiaque suggère également que le 160 Challenge induit un stress plus important ou tout du moins spécifique par la répétition d’efforts intenses 4 jours d’affilés. En trail, 4x40 km n'est donc pas égal à 160 km. Les différences observées entre l’Ut4M 160 Xtrem et l’Ut4M 160 Challenge, tant sur la fatigue que sur la récupération, pourraient être dues à une gestion différente de l'effort, ce qu'on appelle le pacing. Il semblerait en effet, que les coureurs du 4x40 km appréhendent et gèrent leur course chaque jour comme un 40 km sans considérer la fatigue totale qui s'accumule. La course de 4x40km, malgré ses temps de repos et sa distance fractionnée, apparait donc plus éprouvante en plusieurs aspects que le trail de 160 km contrairement à ce que l'on pouvait imaginer.

Du point de vue du sommeil évalué avant, pendant et après l’Ut4M 160 Challenge, les résultats ont montré qu’après chaque étape la proportion de sommeil lent profond s’accroit alors que celle du sommeil paradoxal diminue et que des micro-éveils nocturnes sont de plus en plus fréquents. Après la dernière étape et pendant les premières nuits en phase de récupération, il y a un rebond de la quantité de sommeil paradoxal avec une diminution du sommeil lent profond. Ces modifications du sommeil sont probablement à la fois induites par la répétition des efforts et nécessaires pour récupérer en particulier dans les jours suivants la 4e étape.

Au total, le temps de course, la vitesse de course et l’éventuelle répétition de l’effort (plusieurs étapes) sont des facteurs clefs influant sur le type de fatigue induit et sa récupération en trail.


Quelques implications

Ces résultats indiquent que l’augmentation de la distance de course en trail ne se traduit pas par une simple augmentation parallèle de la fatigue induite. La nature même de la fatigue change avec l’augmentation de la distance de course, certains type de fatigue étant plus importants après des courses très longues (>80 km : fatigue au niveau du système nerveux central par exemple) alors que d’autres types de fatigue sont plus intenses après des courses plus courtes de l’ordre du marathon (fatigue musculaire ou cardiaque par exemple). Il en découle que les facteurs de performance en trail de 40 km ou de plus de 80 km puissent être au moins en partie différents, avec des qualités de résistance et de tolérance à la fatigue musculaire ou à la fatigue plus centrale et générale (système nerveux central, etc) qui peuvent différer d’un individu à l’autre. Les programmes d’entraînement pourront aussi tenir compte de ces différences selon l’objectif sportif envisagé.

Ces résultats soulignent également de façon originale que les courses de trail par étapes constituent un modèle de course tout à fait à part, avec une répétition d’efforts relativement courts et intenses conduisant à une fatigue profonde et nécessitant du temps pour récupérer, que l’on pourrait assimiler à un certain état de surentraînement (overreaching). Ces types de courses par étape sollicitent donc l’organisme d’une façon particulière qu’il ne faut pas sous-estimer en particulier en termes de temps de récupération après la course.

Le sommeil lors d’une course par étapes va être un des facteurs de performance. Il est recommandé dans un premier temps de capitaliser du sommeil de qualité dans les jours avant le début de l’épreuve ce qui va permettre d’anticiper des nuits plus difficiles pendant l’épreuve par étapes. Entre les étapes il faut s’attendre à ce que le sommeil soit perturbé tout en restant un élément important de la récupération. Les nuits après la fin de l’épreuve constituent une phase importante de la récupération générale qu’il ne faut pas négliger pour permettre à l’organisme de progressivement retrouver son équilibre.


La suite…

Les travaux dans le domaine du trail se poursuivent dans le cadre du laboratoire à ciel ouvert Ut4M en lien avec  la Chaire “Montagne Altitude Santé” de la fondation Université Grenoble Alpes. Lors de l’Ut4M 2020 de nouveaux projets de recherche sont en cours de préparation et vont être lancés, un appel aux coureurs volontaires pour participer à cette aventure sportive et scientifique sera lancé dans les semaines à venir ! Industriels, mécènes et chercheurs intéressés par le laboratoire à ciel ouvert Ut4M et les projets de la Chaire Montagne Altitude Santé sont invités à contacter l’équipe (https://fondation.univ-grenoble-alpes.fr/menu-principal/nos-projets/recherche-pluridisciplinaire/chaire-montagne-altitude-sante/chaire-montagne-altitude-sante-366019.kjsp).